L’Agriculture Syntropique : Formation et remise en question

C’est au cœur du Lot et Garonne que 24 jeunes porteurs de projets se sont réunis à la formation “innover en agriculture successionnelle » autrement appelée l’Agriculture Syntropique. Une étape de préparation en ligne avait fait attiser la curiosité des participants. Tous sont venus avec des envies de planter des arbres et sont repartis avec cette même démangeaison.

Pendant 4 jours, Steven Werner et Felipe Amato ont exposé les différents principes de l’agriculture syntropique (densification, stratification, succession, perturbation). Le système repose sur une production fruitière qui répond aux besoins productifs et économiques, sans impacter l’équilibre du milieu. On copie les processus naturels pour créer de la fertilité notamment par  la densification et la couverture du sol. Ces notions sont  importantes afin de créer les ressources de fonctionnement du système sur place, plutôt que de les importer d’un milieu en dégradation. Dernièrement, l’agriculture s’est simplifiée par la monoculture, le travail du sol et la chimie, ce qui a créé des écosystèmes pauvres en biodiversité. Ici il s’agit d’inverser le mouvement en complexifiant davantage nos productions. 

L’agriculture Syntropique replace l’Homme dans un milieu complexe et arboré, son milieu d’origine, ce milieu d’abondance, le climax. Nos visions des adventices et des ravageurs sont questionnées car chaque espèce a un rôle écosystémique. “La seule espèce invasive c’est l’humain !” dit Felipe. La plante qui pousse a nécessairement un impact positif sur le milieu, elle l’améliore pour offrir le meilleur environnement possible aux futurs individus. Elle cherche à faire de son mieux en couvrant le sol, en grimpant, en captant les rayons solaires et les minéraux ou en remplissant l’espace rendu vide par l’Homme. De même, les animaux ont le pouvoir de créer ces dynamiques vitales au milieu comme les perturbations, le transport des graines, la pollinisation…  Les notions de compétition et de destruction n’appartiennent pas à la vision de ce système agraire, ici règne la coopération entre les parties vivantes.

La parcelle expérimentale syntropique de la ferme du Bosquet, plantée en 2020

L’énergie primaire terrestre est la photosynthèse, elle est source de biomasse pour nourrir, abriter, stocker, réguler. Il est donc nécessaire de l’utiliser au maximum et de l’optimiser sur un espace en incluant différentes strates. De plus, les plantes ont besoin de stimulation pour l’effectuer. Ernst Götsch, initiateur de la syntropie, a conclu de part ses observations que la synergie d’une forêt était bien plus importante suite au passage d’une tempête. Une entrée de lumière par une taille engendre des “messages” racinaires qui poussent le système à produire de la biomasse. Finalement, aucun système naturel est immobile (même si à l’œil nu un arbre ne bouge pas), c’est la dynamique d’un milieu qui crée de l’abondance. En tant que membre de l’écosystème, au même niveau que tout autre animal, notre rôle est de disséminer les graines et de réguler les perturbations. Nous sommes des moteurs du cheminement vers des systèmes d’abondance.

Tous les arbres sont plantés : graines, boutures, plants

Pour parfaire ce rôle, l’observation est importante. L’observation du milieu dans lequel les espèces évoluent, du rôle des auxiliaires, des systèmes de coopération. La deuxième faculté primordiale est la connaissance, des milieux et des espèces. Cela permet d’être capable d’en définir l’état et d’avoir les capacités de l’améliorer, en y implantant de nouvelles espèces par exemple. C’est un principe résilient et novateur face aux problématiques actuelles, notamment liées aux changements climatiques. 

La partie terrain à la ferme du Bosquet, nous a permis de développer cette vision. Par la plantation dense; 3 mètres entre chaque grand arbre et 50 cm entre les petits, par l’introduction du “placenta”, pionnier du milieu, par les nombreuses boutures, futures productrices de biomasse et par la mise en place des nids de graines qui offrent la possibilité aux nombreux végétaux de s’exprimer. Nous avons installé 2 lignes syntropiques, une destinée à la production de petits fruits (strate moyenne) et une à la production de coing (strate haute) et de noix de pécan (strate émergente). C’est le début d’un écosystème complexe où chaque espèce peut trouver sa place. 

Ces quelques jours ont fait émerger de nombreux questionnements sur la place que les Hommes doivent adopter avec les espèces qu’ils côtoient, avec la Terre. La formation se conclura en ligne le 21 décembre où on utilisera des outils d’intelligence collective pour travailler sur la construction d’un design. On espère voir ce modèle bourgeonner partout et dans l’esprit de chacun. 

« La vie n’est jamais statique, elle est dans une mouvance constante qui nous surprend, nous étonne, nous comble, nous bouscule ou nous dérange parfois. C’est notre responsabilité de ne pas la violenter, la forcer ou la maltraiter, mais d’apprendre à l’apprivoiser, à l’encourager, à l’aimer et à l’honorer. »

Jaques Salomé

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