Changer la manière dont on prend des décisions

Hugo écrit cet article après son expérience avec des agriculteurs pratiquant la gestion holistique en Nouvelle-Zélande, expérience accompagné par Les Agron’Hommes. Hugo a 19 ans. 

Mon expérience avec les Agron’Hommes à débuté sur la plage lors d’un appel téléphonique avec Opaline Lysiak. Cet appel a été la conséquence d’une réflexion antérieure: celle de trouver une exploitation étrangère à la France qui a comme idée de produire autrement, une pensée agro-écologique. D’autre part, j’ai pu participer grâce aux Agron’Hommes à une porte ouverte d’une exploitation bretonne en agriculture biologique avec comme intervenant Sébastien Angers. Cette journée a apporté beaucoup de réflexion en évoquant l’agriculture de conservation des sols en bio en bénéficient du reculs et des connaissances de Sébastien Angers lors de ces interventions.

J’ai donc été en Nouvelle-Zélande dans un élevage de moutons et de génisses en 100 % plein-air et 100 % herbe. Cette expérience pour moi a été forte. Je m’explique : grâce à ce voyage j’ai pu apprécier un paysage d’une grande différence de celui de de France. La famille aussi, les échanges, comprendre leur façon de penser, de voir les choses, leur ressenti face à la politique de leur pays, leur manière de manager l’exploitation. 

Comprendre l’agriculteur et son contexte 

La Nouvelle-Zélande a été pour moi un voyage intellectuel dans la ferme de Dave et Sandy. La réflexion de Dave, sa vision m’a beaucoup ouvert l’esprit. Ce que j’ai surtout appris c’est l’importance de comprendre la personne, de savoir pourquoi elle agit comme ça. Néanmoins, ce qui m’a interpellé dans le fonctionnement de l’économie agricole de ce pays, c’est le fait que lorsque les exploitations agricoles contractent des emprunts ils ont juste l’obligation de rembourser les intérêts et non le capital. Ce qui pour moi est une pratique incohérente, inenvisageable. Ceci remet donc en cause la viabilité d’un système, la durabilité d’une production. De même qu’au niveau moral de se dire que si l’on était dans l’obligation de rembourser le capital, le système ne serait donc pas rentable. 

Dans ce voyage en quête d’apprentissage agricole, autre chose m’a interpellé, ça a été l’aspect gestion, conduite des troupeaux laitiers en période hivernale. Malgré des conditions plus que humide les animaux se situaient dans des paddocks où ils s’enfonçaient au delà du jarret, lors des vêlages, la situation reste similaire. On retrouve ces cas principalement dans le sud de l’île du Sud concernant les élevages laitiers. Autre chose, la Nouvelle-Zélande m’a apporté une interrogation sur la PAC, des aides PAC qui pour moi sont un pousse au crime, qui rendent l’autonomie décisionnelle de l’exploitant très faible et qu’au jour d’aujourd’hui elles sont l’une des causes des difficultés économiques des exploitations.

Ma perception de l’agriculture pendant, après le voyage, continue encore d’évoluer, en faite le voyage m’a permis de prendre du recul. 

Le rôle de l’agriculture n’est juste pas que de produire un simple produit, elle doit répondre à la demande du consommateur qui veut un produit qui ait un impact minimum sur l’environnement, elle doit répondre aux enjeux climatiques, elle a pour but de maintenir, créer de la biodiversité, du paysage, elle a un rôle de création d’emploi, un rôle humain, mais aussi qui n’est pas des plus négligeable, faire vivre les agriculteurs. Ceci renvoie donc à une agriculture qui doit atteindre de multiples objectifs, on peut faire un lien direct avec la notion de durabilité (économique, environnementale et sociale). Au fur-et-à-mesure du temps, de l’évolution de l’agriculture j’observe que les piliers d’un système agricole sont pris de plus en plus en compte (sol, plante, vivant). De reconsidérer ces points est très intéressant, cela permet de donner de l’espoir, de renforcer l’intrigue, d’être amené à faire des expérimentations, d’apprendre. La question des systèmes herbagers ou bien d’un retour à plus de consommation d’herbe pâturé par les bovins tiens à refaire surface. Ce regain d’intérêt pour le pâturage montre la volonté à améliorer la stabilité économique des exploitations, de prendre plus en considération l’environnement. 

Néanmoins l’agriculture est sans cesse en progrès, mais prend-elle la bonne direction, le bon virage vers une agriculture plus agroécologique ? Va-t-elle vers un système qui intègre plus de vivant ? La recherche s’intéresse surtout à comment maîtriser, optimiser ces pratiques comme la modulation d’apport d’azote minérale en fonction des sols et de la croissance de la plante, le désherbage mécanique, quelle est la meilleure façon d’arrêter la production laitière des vaches hautes productrices lors du tarissement. Ne faudrait-il pas mieux se poser la question de comment se passer de l’azote minéral, de la couverture du sol pour faire face au salissement, limiter  la productivité des vaches laitières pour réduire le besoins en intrants ? Attardons nous sur le point de l’azote. Si les chercheurs orientaient la recherche vers des formes d’azote organique, des couverts végétaux pour régénérer les sols, d’accélérer cette régénération par la ré-introduction de l’élevage dans les systèmes céréaliers, associer des légumineuses aux cultures pour plus d’autonomie, le pâturage tournant dynamique, intégrer la pratique de relay-cropping pour répondre à différents objectifs (vendre du blé et nourrir le bétail), ne serait-il pas plus cohérent ? Finalement, avoir une vision holistique du système à l’échelle de l’exploitation. 

Cultures successionnelles avec lin 

L’agro-écologie pour moi est une sorte de technique, de pensée, qui a pour but d’associer plusieurs finalités et par la suite de trouver un compromis entre-elles pour mettre en place les stratégies pour amener plus de résilience, introduire plus l’Homme, plus de végétale, plus d’auxiliaires, plutôt que des mort-vivants.

Dans la ferme où j’étais, une de ces pratiques culturales m’a intéressée, c’est la culture de lin. Quels procédés a t-il mis en place pour mener la culture jusqu’à sa récolte et sa succession? Tout d’abord au printemps il a semé du lin, quelques semaines plus tard il a fait un semis à la volée de trèfle et plantain et luzerne mais la luzerne n’est pas venue, 6 mois après le semis la récolte est venu, il coupe et met en andain puis une machine vient après reprendre l’andain de lin. Après la récolte le trèfle et le plantain prenne le relai et donc permettent un pâturage par les brebis. A l’automne le semis d’avoine est réalisé, pour le moment en sorti d’hiver la réussite de semis d’avoine dans le trèfle et le plantain est une réussite à 80%, cependant lorsque l’avoine est venue à maturité il y a eu des quantités d’eau importantes qui sont tombées ce qui a fait que le plantain et trèfle et en partie les mauvaises herbes se sont mis à pousser et atteindre la hauteur de l’avoine qui compromet donc sa récolte. Il a donc fait le choix de ne pas récolter l’avoine et a introduit les brebis dans le paddock. Après le pâturage, il a réalisé un léger travail du sol avec outils à dents ce qui a fait venir la luzerne. Au jour d’aujourd’hui c’est en pâture et c’est une parcelle où les mauvaises herbes ont disparues. 

Transformer une mauvaise situation en opportunité 

Avec cet exemple on peut voir la capacité à rebondir d’une situation qui semble être mauvaise. Cette association de cultures a permis d’offrir plus de souplesse, face à un climat chaotique et de valoriser ce contexte par les brebis grâce au pâturage.  Mais aussi de façon plus large, d’offrir de la biodiversité, de limiter le salissement grâce au mélange. C’est cette vision holistique qui est importante.

De mon retour en France après 2,5 mois je reviens avec encore plus de conviction, d’idées et de motivation. Concrètement cela m’a donné l’envie de mettre en place le techno-grazing (pâturage en couloir avec fil avant et arrière) sur la ferme familiale qui est déjà en système herbagers mais pas poussé. Le techno-grazing paraît comme une suite logique étant donné que nous pratiquons le pâturage tournant dynamique. L’idée est de réduire le coût de production des génisses et de faire leur croissance à partir d’un maximum de pâturage. J’ai un intérêt fort pour le pâturage, depuis l’automne 2018 je fais des formations afin d’améliorer notre efficacité économique.

Pour profiter du voyage… il faut savoir poser des questions

En somme, ce voyage a était très enrichissant malgré sa durée courte (2.5 mois), il m’a permis de voir les choses différemments, d’élargir mon ouverture d’esprit, d’être convaincu que l’agriculture à largement sa place dans le futur, d’avoir appris de nombreuses choses liées en générale à l’herbe…mais encore. Les points importants pour passer un bon voyage c’est qu’il faut être intéressé, le montrer, être motivé, par exemple poser des questions, ne pas être fermé sur une seule vision, manière de produire. Le principale reste pour moi de se dire que si l’exploitant à fait ce choix c’est qu’il y a une ou multiples raisons valables, il faut donc chercher à comprendre cette prise de décision pour mieux ensuite appréhender la situation.