Benjamin en compagnie d’une de ses truies « alchimiste de la valorisation des sous-produits »
Trevero, c’est « Cultiver et Partager ». Ce slogan transpire littéralement à travers les paroles de Benjamin. La ferme cultive les plantes pour l’alimentation humaine, et réutilise les sous-produits et déchets pour élever des animaux. Passer 15 jours là bas, au début du printemps, m’a permis de me frotter à ce que le collectif touche à l’intérieur de moi. L’échange avec Benjamin m’a fait comprendre que le collectif « se vit dans la zone d’accord de chacun » et qu’il est nécessaire lâcher cette idée, très capitaliste, de vivre tous les aspects de notre vie uniquement dans la mesure de la compatibilité avec notre épanouissement individuel. Voici quelques extraits de l’épisode 48 du podcast de l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse.
« Les cultures à destination de l’alimentation humaine sont le pivot de la ferme. L’herbe, provenant des prairies inclues dans la rotation, est un sous produit des cultures à destination de l’alimentation animale. L’atelier bovin a été mis en place pour ça. Le deuxième sous-produit important, c’est les déchets issus de la transformation des cultures, comme le colza : avec 1 tonne de graines colza on fait 300 litres d’huile et 700 kg de tourteau. On a rien trouvé de mieux que de la donner aux cochons ! Les cochons mangent aussi du son, qui vient de la transformation de la farine, et des déchets de tri des céréales. On arrive actuellement à nourrir les cochons quasiment uniquement avec des sous-produits. Le cochon est l’animal qui recycle le mieux les sous-produits de la ferme pour aboutir à une activité économique rentable. Toutes les fermes ont des trucs à donner à manger aux cochons et ils mangent tout ce qu’on produit pour le transformer en viande avec laquelle on se régale grave. Le cochon c’est l’alchimiste des temps modernes. Il ne transforme pas le plomb en or, mais les déchets en nourriture!«
« Le modèle Trevero c’est d’avoir des cultures végétales pour les humains et de dimensionner des élevages qui viennent manger ce que nous on ne peut pas manger. Au final l’idée c’est que l’élevage vienne non pas consommer des ressources que nous on peut consommer, mais des élevages qui viennent augmenter la production de la ferme, parce qu’ils viennent valoriser des ressources »
« On est une génération un peu schizophrène sur le rapport au collectif. On est une l’aboutissement d’une culture capitaliste qui a encensé l’individu et aujourd’hui on en est à un stade de préoccupation de notre individualité qui est pour moi extrême. Quand je vois l’énergie qu’on peut mettre à cultiver notre épanouissement individuel et à vivre tous les aspects de notre vie uniquement dans la mesure de la compatibilité avec notre épanouissement… dans ce que j’observe, le collectif ne se fait que dans la limite des exigences de chacun. Le collectif se vit que dans la zone d’accord de chacun. Etre attentif à sa santé physique est essentiel par rapport à des temps où les individus ne prenaient pas du tout soin d’eux et étaient écrasés… Le collectif est au service de notre épanouissement car l’activité agricole est bien trop exigeante pour faire face tout seul. On a besoin des autres. Peu de projets collectifs aboutissent parce qu’il y a un truc auquel on arrive pas à renoncer. Je pense qu’il faut accepter, cultiver sa tolérance. Je suis mieux comme ça que si j’avais été tout seul. Cela permet d’accepter énormément de choses. Je continue parce que c’est la plus belle aventure de ma vie.«
Je suis respectueux de projets plus radicaux, ils sont nécessaires et on s’en inspire pour développer plein de choses ici. Ce sont des lieux très créatifs. La radicalité entraîne aussi une économie plus fragile, des conditions de travail et une intégration au territoire plus difficile : c’est un jeu de curseur. Le jeu de curseur qu’on essaye trouver nous, c’est un arbitrage entre le fait de pouvoir rémunérer des gens, et donc une machine économique qui permette ça, et des pratiques vertueuses… Aujourd’hui, la connexion aux outils du monde actuel rend la ferme vulnérable. Oui aujourd’hui on paye le gasoil 3 fois plus cher que quand on s’est installés. Notre structure économique nous rend capables d’accueillir du monde, des stagiaire, et de les outiller pour le monde de demain.