Un mois d’octobre riche pour l’EAV

La troisième semaine de l’École d’Agroécologie Voyageuse, réalisée en Sologne, vient de s’achever. Les stimulations, à l’image des perturbations de ce mois d’octobre, ont été nombreuses. Ce matin, un beau soleil pointait à nouveau à l’horizon, marquant le début d’une courte pause. 

par Vincent, étudiant de l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse

Simple analogie pour appuyer le fait que ce que je viens de vivre m’a apporté suffisamment de fertilité pour faire émerger un cap désirable pour les semaines, mois à venir. 

Arrivé là un peu par intuition, avec beaucoup d’envies, des idées à profusion, mais aussi des questionnements, j’aborde cette pause l’esprit serein, grâce à une meilleure compréhension du monde agricole à travers le prisme écologique, mais également de la personne que je suis. 

Mes envies initiales de mettre les mains dans la terre – n’importe quelle terre, du moment qu’elle soit travaillée de concert avec la nature -, jusqu’à trouver ma place dans un système qui me plaise assez pour le reproduire, ont été modulées par la prise de conscience des enjeux que représente l’agriculture régénérative, avec son fort potentiel pour répondre efficacement au changement climatique qui se fait déjà bien ressentir.

J’ai compris que je ne serais pas seulement paysan, mais que j’aurais un rôle d’ambassadeur, de chercheur, également. 

Parce qu’il ne suffira pas d’avoir de bonnes pratiques dans mon coin, mais qu’il sera nécessaire de les partager avec le plus grand nombre, et de chercher à développer constamment une compréhension plus globale des écosystèmes avec lesquels nous interagissons.

Pour cela, l’Ecole m’a apporté des outils qui me permettront d’avoir de meilleures relations humaines et d’être plus en mesure de créer du lien sur mon passage ; de mieux interagir avec le monde qui m’entoure. C’est le cas notamment de la communication non-violente, des différents niveaux d’écoute, de la prise de décision holistique, auxquels nous avons pu nous exercer et nous améliorer.

L’Ecole nous a aussi introduit ou permis d’approfondir différentes pratiques relevant de l’agroécologie 

Que ce soit la polyculture-élevage en agriculture de conservation des sols, le maraîchage sur sol vivant, ou encore l’agriculture syntropique (que l’on appelle aussi agroforesterie successionelle). 

Alors, certes, nous avons aujourd’hui accès à un gigantesque panel d’informations de qualité à travers les livres, internet, et en tant qu’amateur de ces supports, nombreuses ont été les fois où l’idée d’approfondir tous ces sujets par moi-même m’ont traversé l’esprit avant de m’engager dans cette formation.

Mais cela serait revenu à négliger l’importance de vivre les choses. Comme le disait Benjamin Franklin : 

« Dis-le-moi et je l’oublierai ; enseigne-le-moi et je m’en souviendrai ; implique-moi et je comprendrai »

Ainsi, l’interaction avec les intervenants, pionniers dans leur domaine, et la possibilité de voir l’application concrète de leurs pratiques dans les champs, tout en les aidant, représente un vecteur inégalé d’apprentissage. 

J’ai aussi compris pendant ces trois semaines, qu’on ne pouvait pas être sur tous les fronts en même temps, du moins si l’on cherche à avoir un impact, au grand dam de mon insatiable curiosité. Cependant, et j’éprouve beaucoup de gratitude pour cela, l’Ecole a bien su mettre en avant, au travers de la présentation du réseau et du choix des interventions, l’agroforesterie successionelle qui représente une aubaine pour l’avenir de l’humanité et gagne à être connue. 

Moi qui étais arrivé avec l’idée que j’aimais à peu près autant les animaux, les légumes et les arbres, j’ai l’impression d’avoir trouvé un moyen de concilier cela tout en ayant un objectif clair et précis : celui de développer et démocratiser l’agriculture syntropique en France, qui se présente comme une façon de produire à la fois de la nourriture et de la fertilité au même endroit, et qui a donc pour promesse de palier au besoin systématique d’importer de la matière organique sur les fermes (ce qui revient à faire baisser volontairement la fertilité d’autres terres arables).

Mon envie : développer l’agriculture syntropique en France

Ainsi, on pourrait envisager de faire pousser tout type de nourriture et d’élever des animaux au sein de systèmes agroforestiers, tout en produisant du bois d’œuvre et de chauffage, et en se rapprochant d’un modèle abondant qui imite la nature, comme l’ont connu nos ancêtres avant l’avènement de l’agriculture qui a marqué notre séparation avec la nature. En d’autres mots, l’Homme pourrait retrouver sa juste place dans l’écosystème complexe auquel il a toujours appartenu.

L’aspect résilient et vertueux de ce système m’attire beaucoup, tout comme le fait qu’il n’en soit qu’à ses balbutiements en Europe et nécessite une grande connaissance de la nature pour pouvoir fonctionner. C’est pourquoi j’envisage de monter en compétences techniques (taille, multiplication, plantation, etc) et en connaissances (des espèces, de leur évolution dans le temps et l’espace, etc) mais je souhaite également communiquer autour de l’agriculture syntropique et aider les agriculteurs (et futurs agriculteurs) à l’intégrer au sein de leurs systèmes. 

Tout ce cheminement n’aura été possible en si peu de temps que grâce à l’écosystème que j’ai intégré en rejoignant l’École d’Agroécologie Voyageuse ; tout comme Frédéric Thomas nous a démontré avec brio que l’écosystème qu’il a créé autour de la ferme du Gault en intégrant d’autres agriculteurs comme Franck, José, mais aussi Christophe, Julien, a apporté à chacun d’entre eux des avantages inenvisageables auparavant. Car seul, on va plus vite, mais à plusieurs, on va plus loin. 

J’aimerais clôturer cet article autour du concept de perturbation

Les perturbations subies par les agriculteurs devenus aujourd’hui des pionniers en agroécologie, sont le déclencheur de ce qui les a poussés à se poser des questions sur leur pratiques conventionnelles et à initier des changements radicaux dans leur façon de travailler.

Les perturbations, c’est aussi le fer de lance de l’agriculture syntropique, qui repose sur la taille systématique des arbres au cours de la succession naturelle pour stimuler la photosynthèse et la libération d’hormones afin de créer plus de biomasse et de stocker plus de carbone dans les sols, que si elles n’avaient pas eu lieu. 

Enfin, comme évoqué dans l’introduction – et c’est ma manière de boucler la boucle -, les perturbations peuvent être aussi de l’ordre météorologique, émotionnelles, et bien d’autres encore ; mais ce qu’il faut retenir, c’est qu’elles ne sont que temporaires, et permettent de rebondir sur quelque chose de meilleur ; c’est le fabuleux pouvoir des cycles. 


L’auteur

Vincent a 23 ans et participe à la première promo de l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse après une expérience en tant que moniteur de ski en Haute-Savoie. Il souhaite développer ses talents pour devenir paysan et catalyser la transition de son territoire.