J’ai interviewé Caroline sous une trogne de marronnier près de chez Anaëlle Thery, 1 mois avant la fin de son parcours à l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse. Au cours de sa carrière, Caroline a beaucoup accompagné l’humain en entreprise, et s’est offert avec l’EAV une possibilité de s’adonner à sa passion pour la photosynthèse, et faire bénéficier à la transition agro-écologique toute l’énergie dont elle rayonne . Son parcours dans les fermes nourrit sa joie, son corps, et son projet professionnel, Rehab, pour « Réhabiter la Terre ».
🌻 Qui es-tu en tant qu’être humain ?
Je m’appelle Caroline Lefranc-Chedmail, j’ai 47 ans… quand on me demande mon âge il faut toujours que je calcule. J’ai 3 enfants et un mari merveilleux. Je suis un humain sur terre qui s’émerveille de tout un tas de chose et qui tente d’émerveiller les autres humains… en leur racontant des histoires. Je partage beaucoup mes expériences, mes compréhensions, mes recherches. J’ai passé une grande partie de ma vie d’adulte à m’occuper du facteur humain en entreprise. Aujourd’hui j’ai décidé de m’occuper du facteur chlorophyllien au milieu du facteur humain. J’ai l’impression qu’aller dans la chlorophylle nous fait revenir plus apaisé, plus heureux.
🌻 Pourquoi as-tu choisi de faire l’EAV ?
Après avoir découvert Anaëlle et la syntropie, ça m’a tellement bouleversé que pendant 2 mois je me suis dit « ma vie va changer, j’ai envie d’aller dans la chlorophylle ». J’ai découvert l’EAV et j’ai appelé Opaline. Je ne me voyais pas retourner à l’université, sur les bancs d’école. L’EAV lançait le parcours Sève, pour voyager de ferme en ferme pour apprendre. En parallèle cela pouvait nourrir mon nouveau projet autour de la syntropie et me permettre d’être armée pour mieux connaître l’agroécologie en pratique.
🌻 Peux-tu nous raconter un peu ton parcours voyageur ?
Je pars 1 à 2 semaines par mois. En fait, mon mari est marin. Il est absent régulièrement depuis des années une semaine sur deux. Mon mari gère la famille 1 semaine sur 2, et depuis octobre, c’est mon tour ! Dans les fermes, je suis une apprentie qui apprend beaucoup. Je met mon corps en mouvement. Je réalise que mon corps est très intelligent et qu’il peut faire plein de trucs.
Le soir, je réalise que j’ai appris. J’ai appris des gestes, j’ai vu des paysages très vivants, accueillants et nourriciers, et à écouter ceux et celles qui m’acceuillent. La carte de France est devenue plus vivante pour moi. J’ai eu un coup de cœur pour la Ferme du Bosquet en Gironde avec Lucile et Arafat ainsi que pour David Lecoufle et ses key lines de fruitiers. Je n’ai jamais vu des gens qui incarnent autant la gentillesse. J’ai eu une relation virtuelle avec les fermes de Ségur en Corrèze, et même à distance c’était très inspirant.
Chez Pierre Garnaud, à la pépinière planétaire dans le Berry, j’ai pu mettre en place des lignes syntropiques. Et je suis retournée à la pépinière Joala Ma prochaine ferme : de Rives en Rêves dans le ch’Nord.
🌻 Quelles sont les 2 moments pépite de ton parcours que tu as envie de nous partager ?
Arafat, à la Ferme du Bosquet, m’a appris à cueillir des épinards. Il m’a dit : « tu prends pas la queue, il faut mettre que du bon pour les clients ! » Ça m’a étonnée par rapport à ce que je connaissais : à l’AMAP chez moi ils mettent la queue des épinards, il y a une question de poids c’est plus lourd !
Une autre pépite, c’est Noémie qui plante des fruitiers en syntropie près du terrain de Pierre Garnaud. On a beaucoup planté et on a mis beaucoup de boutures de saule, sureau, tilleul. Je suis décomplexée de la bouture, je n’en avais jamais planté cette quantité. C’était assez intense et joyeux à vivre. On a fait des nids de graines en mélangeant des quantités incroyables de graines dans une brouette. On fait pousser la force de vie.
Et puis… Vivre dans mon camion. Partir en nomade et me sentir autonome avec le minimum, dormir dans la forêt, plus proche des bruits de la nuit, des étoiles et de la lune. Chez Lucile et Arafat j’ai adoré le matin donner à manger aux poussins juste avant l’aube. Je savais qu’ils iraient un jour à l’abattoir, mais Arafat m’a expliqué qu’il les accompagnait jusqu’au bout. Lucile et Arafat m’ont offert un poulet et en rentrant dans ma famille, on l’a mangé et c’était différent. On est nourri différemment quand on connaît le processus, la terre, l’état d’esprit des éleveurs.
🌻 Quels sont tes 2 plus grands apprentissages en agroecologie ?
L’humilité. Me dire « plantons, et on verra bien ». Plantons bien, mais plantons. On met les bottes, on creuse, la terre est a accueillante. N’aie pas peur, vas y plante. Et puis, qu’à 47 ans je peux encore décider de changer de boulot, encore une fois. Je suis tellement joyeuse de proposer de la syntropie en milieu urbain ou semi-urbain, parler de régénération par le biais d’un chantier concret fait sens pour moi. J’ai créé Rehab, au moment où je découvrais la syntropie et réalisais que je voulais vivre dans un monde d’abondance, joyeux, qui coopère avec le vivant et qui prend soin du système. Rehab, c’est réhabiter la terre. À notre échelle. Je serai contente quand les enfants pourrons aller à l’école en mangeant des fruits sur le chemin, par ce que c’est un bien commun, où il fera bon marcher dans du vert foisonnant.
J’ai réappris à être dehors. Ce qui est difficile quand tu es habituée à travailler devant l’ordi, car le jardin devient un décors. Alors il faut rentrer dans le décors. Dehors, le travail est visuellement palpable. Devant l’ordi le temps passe vite avec la sensation de n’avoir pas fait grand chose.
🌻Et pour finir?
J’invite à tenter l’expérience de se remémorer l’histoire de la terre. C’est apaisant de comprendre l’histoire merveilleuse de la vie. On doit notre vie à énormément d’espèces autour de nous à une grande intelligence des équilibres entre toutes les espèces, nous avec. Quand on connaît cette histoire on a envie d’en prendre soin. Ce qu’on ne comprend pas, on ne peut pas l’aimer et le protéger.
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