Article écrit par Opaline Lysiak
Le réseau de l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse compte une trentaine de fermes. Je vous propose d’en découvrir 5. Elles ont faim de transmettre leur expérience et ont aussi besoin de l’aide des jeunes agronomades.
Début août : les maraîcher.e.s ont vu passer la grosse vague de plantations, les éléveur.euse.s ont fait les foins, les moissons sont quasi terminées, et les autres membres de l’écosystème de l’EAV sont peu joignables. C’est le lâcher-prise estival, le bon moment pour créer du lien avec les paysan.ne.s et faire le bilan de l’année passée pour faire encore mieux avec la promo 2 !
De novembre 2020 à août 2021, 60 agriculteur.rice.s ont accueilli des agronomades. Le réseau étant en pleine construction, certaines fermes ont reçu des étudiant.e.s sans faire partie du réseau. A partir d’octobre, on joue sur la qualité de l’animation : moins de fermes, une vraie animation, pour prendre soin de la relation.
Car oui, animer un réseau de fermes est passionnant ET chronophage : c’est important de se voir en vrai, pas juste d’échanger des mails, faire des réunions zoom ou de s’appeler. Les paysan.ne.s plus que tout sont connecté.e.s… au Vivant, au réel. Pour le moment, je suis seule à animer le réseau de fermes, et nous souhaitons recruter une personne en service civique à partir de la rentrée pour m’épauler à cette mission.
Au volant de mon Berlingot aménagé pour y dormir, de mon smartphone (pour les vidéos, photos et prises de notes), ma machette et mon sécateur, je pars explorer à la manière du ver de terre du logo des Agron’Hommes, une ferme dans chacun des territoires suivants : Touraine, Gironde, Corrèze, Gers et Périgord. 5 fermes en 15 jours, le rythme que je teste pour à la fois donner un coup de main sur place, échanger autour d’un repas ou d’un café… ou d’une planche de choux à planter, et préserver mon énergie tout en régénérant ma connexion au Vivant après une année connectée au clavier ! Quel bonheur de quitter l’écran quelques jours !
La ferme de la Brosse
Passage éclair chez Remi Poirier sur ma route pour la Bretagne. Je débarque alors que l’équipe vient de terminer un déjeuner barbecue. Il y a des fossiles sur la table : la région est connue pour les faluns, ces accumulations de coquillages fossilisés. On parle assurance agricole. Remi me fait signe de regarder derrière lui : il y a quelques semaines une petite tornade a fait tomber un bâtiment. Il m’emmène faire un tour en 4×4, en commençant par le poulailler mobile construit par Théo, Nina, Maryon et Quentin de la promo 1, l’essai de maïs en corridors solaires avec des potimarrons dans les corridors, céréales sur sols vivants, la luzerne pousse bien sur les sols calcaires du coin.

Rémi lui-même est une tornade : il va vite dans les projets et peut faire très vite confiance aux étudiant.e.s et les laisser autonomes sur des tâches.

Les missions des étudiant.e.s : en plus du travail quotidien sur la ferme, Rémi propose aux étudiant.e.s qui viendront sur la ferme de construire une poussinière et de designer les bandes agroforestières qui seront plantées à l’hiver 2022-2023.
La ferme du Bosquet
Yessss ! La ferme du Bosquet a décidé de prioriser, dans l’accueil de stagiaires et bénévoles, les étudiant.e.s de l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse ! Cela fait plaisir de voir que le savoir-être et les connaissances des étudiant.e.s représentent une vraie valeur ajoutée dans les fermes. « Je pensais même avoir plus d’étudiant.e.s » me dit Lucile lors de notre échange annuel de feedback, en plein désherbage d’une planche maraîchère. Lucile et Arafat, maraîchers sur sols vivants et éleveurs de poulets bio ont accueilli Théo et Quentin au moment de leur plantation d’arbres dans les parcelles maraîchères, puis Sébastien, Vincent, Camille au moment de la formation en agriculture syntropique, puis Madeleine et Audrey au printemps.

« Les étudiant.e.s sont super motivés, parfois on arrête de travailler et ils continuent! » me dit Lucile. Le rythme est intense à la ferme principalement à la période printanière de semis et plantation de légumes. Le reste du temps, Lucile et Arafat prennent vraiment le temps d’échanger avec les étudiant.e.s en fonction de leurs projets. C’est un critère essentiel pour faire partie du réseau. La confiance est telle que 2 étudiantes ont saisi l’opportunité du service de remplacement pour remplacer à la ferme, après la fin de l’EAV, nos maraîchers qui partent en vacances 10 jours !

Lucile a accueilli Pablo lors de la période de prototypage de l’EAV (écoutez son témoignage ici) et elle est aujourd’hui vice-présidente de l’association les Agron’Hommes, et représente ainsi le réseau de fermes dans les décisions prises toujours améliorer le fonctionnement de l’EAV.
Les missions des étudiant.e.s : participer à la plantation agroforestière lors de la 3ème édition de la formation agriculture syntropique en climat tempéré, plantation de haies, aider à la gestion de la parcelle expérimentale syntropique, construction d’un mini poulailler mobile d’une vingtaine de poules, réflexion sur la diversification des débouchés (en 2021, surproduction de tomates, difficulté à les écouler à bon prix).
Les fermes de Ségur
« Depuis le début j’ai créé l’association Paysages Nourriciers pour relier le paysage avec le village. Pour que les gens se baladent dans le paysage » me dit Astrid. Astrid Verspieren est à la fois fondatrice, éleveuse, et facilitatrice d’interactions vivantes aux Fermes de Ségur. En 2017, elle quitte son emploi de paysagiste à Versailles pour reprendre avec son compagnon Matthieu 80 hectares de terres familiales dégradées à Ségur-le-Château dont une grande partie dégradées par la monoculture.

Avec des agroécologistes renommés comme par exemple Franck Chevalier et Hervé Covès, Astrid crée de la fertilité pour donner à chacun.e sa place : elle ouvre un espace test agricole maraîcher, un autre pour un couple qui souhaite se tester aux plantes aromatiques et médicinales. L’agriculture de conservation des sols est utilisée pour les cultures de tournesol et de grand épeautre, qui sont des plus en plus belles avec le temps. Ce qu’elle aime le plus, c’est prendre soin des animaux. Un petit troupeau de brebis Shropshire débarque (objectif valorisation de la viande et de la laine), puis des vaches (« on a pris des vaches pour la biodynamie dans la vigne, si la bouse est locale, c’est plus intéressant non? « ), et des coqs de Pêche du Limousin. Les races anciennes ont la place belle.

Matthieu lui, développe la vigne dans cette cuvette humide de Corrèze. Un vrai défi : l’année 2021 est humide et Matthieu ne sait pas s’il pourra vinifier sa production. A travers l’association, Astrid organise des ateliers encres végétales, taille et greffe, ou encore des conférences sur la géologie et l’architecture.
Les missions des étudiant.e.s : Astrid a besoin de jeunes autonomes pour entretenir les espaces et notamment les espaces agroforestiers et de la pépinière. Pourquoi pas aussi réfléchir à la mise en place d’une expérimentation en agriculture syntropique. En échange elle propose d’initier les jeunes à une diversité d’agricultures et d’artisanats !
Un détour par Paysages in Marciac
C’est LE rendez-vous de l’été en agroécologie ! Paysages in Marciac, PIM pour les intimes, est un terreau fertile d’échanges. Vous en vous repartez avec une abondance d’idées, nourri.e.s du lien aux autres, et d’une confiance créée par le fait que l’on se sent moins seul dans ce monde petit mais grandissant de l’agroécologie.

Je participe à une masterclass ultra inspirante « La symbiose prairies-herbivores » avec Lucile Brochot et Coralie Amar, deux « Vétérinaires-Agroécologistes. J’y découvre en quoi la bouse est un pont entre la santé de la vache et la santé des sols, et qu’il est possible de rétablir le système immunitaire de nos animaux d’élevage avec le kéfir que j’ai dans mon frigo. Bingo ! Elles vont intervenir à l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse en octobre avec la promo 2. J’en profite pour réaliser un podcast à 3 voix qui paraitra en septembre. PIM a aussi été l’occasion de connecter avec des futures fermes du réseau, comme la Ferme de Cagnolle, superbe ferme en MSV en Dordogne.

La ferme des Mawagits
« Les gens du coin nous ont appelé comme ça au début, quand on est arrivés en 2018 : ça veut dire les maladroits en Occitan, parce qu’on faisait pas mal d’erreurs et on en fait toujours » me rappelle Grégoire. Grégoire est formé à l’agriculture syntropique au Brésil, et Guillaume a longtemps travaillé pour Arbres et Paysages 32. Autant vous dire que ces deux là sont bien enracinés et photosynthétisent beaucoup.
Grégoire et Guillaume ne savaient pas que le potager qu’ils ont créé en été 2017 se transformerai peu à peu en un GAEC, fertilisé par une communauté festive d’humains animés par le Vivant… dans les sols et sur les sols. Lors de la dernière soirée tapas organisée par l’association des Mawagits, 200 assiettes ont été servies. La ferme maraîchère de 3 ha dont 2 ha cultivés est une ferme productive. Les sols se régénèrent, les compétences se développent, et la production de légumes est de plus en plus importante, si importante que les débouchés de commercialisation ont du mal à suivre.
Vous comprendrez maintenant pourquoi je suis partie avec ma machette : j’attendais avec impatience de réaliser la taille estivale des peupliers : on dit qu’on leur « soulève la jupe » en taillant les branches du bas pour que le pommier puisse prendre sa place dans la strate juste en dessous.

La ferme accueillera bientôt une pépinière et d’ici 2 ans un restaurant. Les Mawagits ont aussi développé la gemmothérapie en association avec une naturopathe. La plupart des produits sont vendus au mawagasin, aussi en AMAP et à un restaurant local. L’association organise des formations à la greffe, à l’agriculture syntropique.

Les missions des étudiant.e.s : éventuellement une réflexion pour diversifier les débouchés de commercialisation, aiment beaucoup échanger pour savoir quelles techniques les étudiants ont vu ailleurs pour toujours s’améliorer, aider à l’implantation d’une nouvelles parcelle syntropique de 2000 m2 pour produire pêche, pomme, abricot, cassis, récolte des bourgeons pour la gemmothérapie en mars / avril.
La pépinière Joala
Je termine mon mini tour de l’Ouest de la France en allant prêter main forte 2 matinées à Anaëlle Théry, créatrice de la pépinière Joala. « Une pépinière d’abondance, j’y vend des arbustes à petits fruits, et des arbres de strate moyenne rares, comme la goumi du japon, le ragouminier, le chalef d’automne… et j’adore expérimenter »

Cette année, Anaëlle a expérimenté un potager syntropique sous des tournesols géants de plus de 4 mètres de haut. Bon, je n’ai pas pu résister même si j’avais dit que je déconnectais de l’ordi, et j’ai fais une vidéo :
Anaëlle a perdu 2000 arbres avec les gelées printanières. Heureusement, les framboisiers se portent bien, et les visites et formations en agriculture syntropique se développent pour ne pas mettre tous ses fruits dans le même panier. D’ailleurs, Anaëlle interviendra aussi pendant la phase enracinée de la promo 2.
👉 Découvrez la philosophie et les pratiques d’Anaëlle dans l’épisode 7 du podcast de l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse.
Les missions des étudiant.e.s : gestion de la pépinière, coup de main sur la communication (Anaëlle n’aime vraiment pas les ordinateurs).
Comment je me sens après ce tour ?
A la fois rassurée et heureuse, enthousiaste, fatiguée physiquement, reconnectée au sol vivant. Les fermes avec lesquelles j’entretiens un lien régulier et qui ont accueilli des étudiant.e.s de l’EAV en connaissant bien le projet sont très très satisfaites. Cela me conforte dans l’importance des valeurs de l’EAV, partagées par tout l’écosystème : écoute, sérieux, partage, créativité. Les agronomades de l’EAV sont sans aucun doute préparé.e.s à aller à la rencontre d’agriculteur.rice.s uniques, dans des contextes régionaux uniques. J’ai encore énormément appris sur l’agroécologie, aussi bien technique que philosophique. Et je me dis que ce réseau de fermes, on doit en prendre soin autant que des étudiant.e.s !
👉 Pour plus d’infos : http://lesagronhommes.com
👉 Aidez nous à développer l’EAV en soutenant le projet sur Tipee !
👉 Découvrez la philosophie du réseau de fermes
L’offre de Service Civique : Animation du réseau de fermes