Il est 8 heures sur le marché. Les premier.e.s client.e.s sont là, on sourit, on dit bonjour, on est heureux.se. On montre nos produits, on rend la monnaie et on dit « merci« . Au suivant, bonjour, merci à bientôt. On voit des dizaines de visages, on accepte les critiques s’il y en a.
Quelle consécration d’être agricultrice et agriculteur ! Quelle motivation de prendre soin de ces animaux, de gérer tous les imprévus, de veiller à leur santé, leur nourriture, leur bien-être. De veiller sur leur production, du ramassage de l’œuf dans le pondoir au chargement de l’animal dans la bétaillère pour l’abattoir. Du comptage d’œufs et de leur calibrage, sans les casser, à la confection des commandes de viande sous-vide, sans l’abîmer. Quelle patience pour planter des pommes de terre et des céréales, les aider à se développer malgré les attaques des adventices, en étant attentif.ve à la santé du sol, de ces millions de microorganismes le composant et de ces couverts végétaux le protégeant. De l’attaque du taupin à la récolte méticuleuse de ces cultures, les trier, les calibrer, les peser, les étiqueter. Quelle motivation de régler son réveil à 5h30, tout charger dans le camion en ordonnant tout, prendre la route pour le marché. Tout décharger, tout présenter, tout préparer. 8 heures sonnent, le marché commence dans ce petit village breton.
Seulement voilà. Aussi bien en tant que client.e que producteur.ice : est-on conscient.e que toutes ces heures, toutes ces émotions, ces inquiétudes, à prendre soin de ce que l’on produit et de son environnement est en train de partir pour sa finalité ? Juste nous nourrir, assouvir le premier besoin vital qu’est d’apporter à son organisme le nécessaire pour survivre, puis nous permettre de passer un moment agréable à se délecter, seul.e ou à plusieurs, avec ce que la Nature nous as offert. Est-on conscient.e de notre acte lorsqu’on achète à manger au marché ? Dit-on merci au/à la producteur.ice pour la monnaie qu’il/elle nous rend ou pour son implication dans cette difficile tâche qu’est de travailler avec et grâce au Vivant ? 6 œufs, de la farine et des pommes de terre. Est-ce assez pour remercier ces agriculteur.ice.s de leur travail ? Comment remercions-nous celles.eux-ci lorsque nous achetons les produits en magasin ?
Comment prendre conscience qu’il n’y a rarement que 35 heures/semaine derrière ce rôti ou cette omelette ? Qu’il n’y a rarement que plus de 1 300€ net/mois derrière ce potage ou ces frites ? Comment prendre conscience de la responsabilité de ces personnes souvent alourdies par un prêt de plusieurs centaines de milliers d’euros ? Et enfin, conscience de la responsabilité du paysan d’être au plus proche de l’environnement, du Vivant ?
Peut-être que notre devoir est d’au moins se rendre compte du travail fourni par ces collaborateur.rice.s du Vivant et peut-être les remercier, autant qu’elles et eux doivent remercier la poule pour son œuf, le cochon pour sa viande et le vivant du sol pour ses pommes de terre.
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