Ce texte a été écrit par Caroline Lefranc-Chedmail, participante de l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse, pour un petit spectacle qui a eu lieu lors du Festival de Clôture de l’Ecole d’Agroécologie Voyageuse les 17-18 juin 2023 à la Ferme des Mawagits. Ce texte a été mis en scène par Anne Goldschmidt, également participante de l’EAV, et lu sur scène par Noémie Bordes, participante de la promo 1.
Comme je suis heureuse d’être là.
Vous ne me voyez pas, mon corps est ailleurs, mais à travers ces mots et la voix de Noémie, je suis là.
Je suis l’onde.
Je suis heureuse en écrivant ces mots de te voir les lire dans mon imaginaire et il y a comme une jubilation intérieure car je suis entre l’idée, la conception et tu es dans l’incarnation.
Je suis dans l’avant, tu es l’instant présent et après…. tout est possible
J’aimerais que tous vous puissiez regarder là-haut, toi aussi Noémie, regarde. Regarde au delà, après des nuages, au delà du bleu du ciel, au là où rien ne respire, propose leur de regarder là- haut, tout là haut, oui voilà comme ça, là où il n’y a plus de lumière, par ce que là-bas, (…) il n’y a plus de poussière
Ce n’est pas si loin que ça, c’est à peine 12 ou 13 km paraît-il.
12 km…. si on partait à l’horizontale vers l’espace, ça mettrait 18 min en voiture, 40 minutes en vélo, 2h30 à pied, mais comme c’est à la verticale, il faut aussi lutter contre la force de la Terre. La Terre nous ramène tout contre elle.
Elle sait bien, elle, que là haut ce n’est pas vraiment pour nous.
On m’a toujours dit, là-haut, il n’y a rien. C’est le vide. Quand je les écoutais en regardant les étoiles, je me disais que ce n’était pas très logique, il y avait les étoiles déjà, et ça ce n’est pas rien.
En fait là haut, tout là haut, ce n’est pas si vide que ça.
Quand on remonte le temps, le temps d’avant, avant tes parents, avant leurs grands parents, avant le temps des hommes, avant le temps des grands diplodocus, d’avant des grandes fougères, avant les éponges et même avant et encore avant, quand il n’y avait que roches et eau.
Encore avant, il y a 13,6 milliards d’années. quelques instants encore avant ce temps incroyablement long pour nous. Il y a eu quelque chose…
Les grands astrophysiciens et grandes astrophysiciennes ne savent pas vraiment quoi.
Une grande onde…
Un peu comme une grande et puissante et dense vibration qui s’est propagée partout partout…
Comme une sorte d’incroyable note de musique primordiale.
Il parait qu’on peut encore l’entendre aujourd’hui. Comme une corde qui vibre intensément pour la première fois.
Et puis de cette onde tout a commencé à se créer, à se densifier.
Chante et tout existe un peu plus autour de toi, tout vibre plus fort.
Le premier atome à être créer c’est celui de l’hydrogène, il y en a plein dans l’espace, pareil pour le Carbone, l’oxygène… plein d’atomes, plein de briques.
Tous ces éléments ont été agrégés, mis en boules, ils ont fusionné, et ça a donné des soleils.
Des soleils se sont rencontrés et ont commencé une danse magique, une danse spiralée.
Cela a donné des galaxies.
Des milliards d’atomes ont ainsi créé, il y a 4,6 milliards d’années, notre soleil.
Pour nous, il représente TOUT. La chaleur, la lumière, notre centre du monde, notre rythme, il nous offre la nuit, son attraction nous offre des planètes soeurs.
Dans notre galaxie, c’est un soleil de taille moyenne, il est 100 fois plus grand que la Terre, 300 000 fois plus massif
A lui seul, c’est 99,86% de la masse de notre système solaire Il est TOUT et pourtant…
Sur notre petit grain de poussière solide, nous avons aussi des atomes qui se sont rencontrés,
frottés, fusionnés, attachés et à force d’être secoués, ils se sont assemblés en chaînes et du mouvement de l’extérieur, il y a eu mouvement intérieur.
Après la musique du cosmos, il y a eu la danse des atomes et des molécules.
Ce mouvement est devenu autonome. La vie est apparue.
La vie, c’est du mouvement du dedans.
Il y a eu un dedans et un dehors qui ne se sont jamais plus quittés.
Depuis lors, c’est devenu une douce mélodie, puis une symphonie de mouvements, d’entrechocs et de briques de la vie qui n’ont eu de cesse de s’emboiter du plus simple au plus compliqué.
Nous ne sommes que des atomes et des molécules empruntées à tous ceux qui nous ont précédé. Mes molécules, tes molécules, vos molécules étaient dans d’autres corps, d’autres formes de vie.
Mes larmes ont peut-être traversé des milliers de corps avant moi.
Nous avons emprunté du calcium aux coquillages du Crétacé, notre sodium est issu de l’érosion d’une montagne en passant par un torrent tumultueux, notre carbone était dans une feuille mangée par un herbivore du Trias.
Nos atomes ont voyagé d’être vivant en être vivant à travers les âges. Nous sommes tous d’incroyables puzzles, des voyages atomique, cosmiques
Quelle traversée du temps mes amis.
Nous sommes maintenant comme des amas organisés de poussières d’étoiles et de vies multiples.
Et si…. Et si nous avions , grâce à ces molécules voyageuses, la possibilité de nous rappeler des bribes de cette immense toile ancestrale tissée à travers le temps?
Condensés dans ce corps que je porte et qui tous les mois se transforme entièrement avec de nouvelles molécules que nous mangeons, buvons. Celles de la délicieuse salade et du poulet incroyable, celles de l’eau de la source, dégustés au gré de mes voyages, ils ont imbriqué les C, les H et les O dans mon corps.
….
et quand je mourrai,
alors mon joli corps puzzle cosmique va libérer toutes ses molécules pour les donner à ceux qui vont le décomposer et le redistribuer à travers le cycle de la vie empruntant le dense réseau mycorhizien.
À qui vais-je à mon tour offrir mes atomes?
Dans quel merveilleux champs vais-je décider d’offrir mes hydrogènes, mes ions, mes carbones, ceux que j’avais empruntés à l’univers?
Moi, je voudrai pouvoir choisir, une petite colline qui surplombe une vallée avec au fond de l’eau qui chante.
Je voudrais pouvoir choisir de n’être pas emballée dans trop de plastique ni trop de chimie inorganique, choisir de nourrir les racines d’un figuier à l’aide de l’armada d’un sol bien vivant.
Je deviendrai comme des confettis qui iront enrichir de multiples vies.
Et toi, quelles graines, quels fruits, quel animal deviendras-tu? Quel sol iras-tu nourrir?
Et vous? quels confettis serez-vous?
Il en est peut-être de même pour tout ce que l’on fait, tous nos projets, nos livres, nos champs, nos articles, nos entreprises, tout ça, tout ça, sont aussi des puzzles.
…
Tout se construit à partir d’une multitude puis, tout se disperse à nouveau.
Chers amis de l’École d’Agroécologie Voyageuse, cette école est pour moi comme un joli pissenlit, devenu tout poilu, qui attend une brise pour aller se disséminer et ensemencer d’autres champs fertiles.
L’EAV prête à se décomposer, nous offre son corps riche et dense à nous tous, réseau mycorhyzien .
Mes amis, levons-nous, sentons nous riches et nourris de tous les enseignements et ensemble, soufflons.
Mes amis, soufflons cette douce brise et faisons voler le plus loin possible ces confettis vivants.