2 Etres qui prennent soin de 2 systèmes digestifs

Les micro-organismes du sol, tel notre système digestif par nos bactéries rendent les éléments du sol biodisponibles pour les plantes. Par exemple, les protozoaires rendent 80 % d’azote disponible aux plantes, par ses excréments ! Notre système digestif ne fait pas autre chose en transformant notre nourriture en éléments assimilables par nos cellules. J’aime utiliser cette analogie pour vous parler de ce lieu : Les Jardins de Pompoko, lieu dans lequel j’ai découvert une partie de la vie maraîchère en hiver…C’est au pied du massif du Bugey, à Creys Mépieu en Isère que je rencontre Mélanie et Jean Marie, installés en maraîchage sur sol vivant (MSV) depuis 2017, sur les terres d’enfance de Mélanie : 2 amoureux consciencieux du prendre soin du sol vivant et cela se ressent en cuisine !

Pompoko est une ancienne comptine qu’on raconte aux enfants au Japon sur le chien viverrin, ce drôle d’animal très glouton qui aime se frotter le ventre après être bien rassasié.

Le début de leur projet commun commence par des réflexions personnelles autour du bilan carbone, de l’alimentation, des prises de consciences sur l’industrie agro-alimentaire, émerge alors une profonde envie d’agir concrètement. Mélanie me confie en rigolant : « Notre projet initial était d’ouvrir une chambre d’hôte à la japonaise et Jean Marie en blaguant m’avait dit qu’il ferait pousser les légumes ! » Quelques temps après, ils s’envolent au Japon en woofing pour 6 mois et l’envie de s’installer à leur tour prend racine …

5 ans qu’ils s’accomplissent dans le maraîchage sur sol vivant, des pratiques qui s’ancrent aussi dans la ferme où Mélanie à grandi…une ferme familiale de 4 générations. Celle-ci est achetée en 1929 par les arrières grands parents paternels de Mélanie : une ferme qui retranscrit avec authenticité l’évolution des pratiques agricoles au fil du temps. Les vieux noyers auraient tant à nous dire : entre polyculture-élevage en métayage, premier tracteur en 1955, passage d’éleveur à céréalier, castration de mais, début des engrais liquides, développement de l’irrigation et création d’une Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole (CUMA). La ferme est aussi marquée par la lutte anti nucléaire de Creys Malville.

En hiver, temps de repos pour notre chère terre. Pourtant, temps d’action sur les terres maraîchères, être à la hauteur pour l’horloge printanière.

« Il n’y a pas de petits chantiers en maraîchage »

C’est ce qui m’a de suite surprise : l’hiver saison qui nous invite parfois à ralentir, a suivre un rythme plus calme… en maraîchage on ne chaume pas ! Les missions sont diverses : récolte de pierres pour tenir les toiles hors sol, travailler la coopération en tirant sur les bâches d’ensilage, préparation des futures planches, répartir une bonne couche de fumier et de broyat à l’aide d’un croc, montage d’une serre, transport de sable, mise en route de l’électricité pour les plaques chauffantes dans la serre des semis, tenir des marchés avec des bouillottes…

Tout est une question de temps, de timing c’est que j’ai ressenti à Pompoko, il faut anticiper, ne pas courir après le temps, ne pas le rattraper …ne pas « perdre » de temps, être à l’heure pour le réveil de la Terre.

Pour Jean Marie : « le Maraîchage sur Sol Vivant c’est une boite à outils qui prend racine et sens sur des principes agronomiques forts. » Je vous partage ici 2 clés :

🐛 La première clé, c’est que les légumes n’étant pas auto fertiles, un apport de broyat conséquent et régulier est nécessaire pour rendre le sol fertile et un taux de Matière Organique (MO) élevé (supérieur à 4 %). Il est donc préférable de privilégier un broyat avec un rapport carbone/azote équilibré ; soit de 20 afin d’éviter une faim d’azote. Il s’agit du rapport entre la masse de carbone contenu dans le broyat et la masse d’azote.

A noter que les micro-organismes du sol ont un rapport C/N compris entre 8 et 10. Environ 1/3 du carbone qu’ils consomment est utilisé pour leur constitution. L’azote, en revanche est totalement utilisé pour leur constitution. En conséquence, si le rapport C/N est trop élevé (supérieur à 30) les micro-organismes tendent à consommer tout l’azote disponible et contenu dans le broyat et il ne reste plus assez d’azote biodisponible pour les plantes. (DOMENECH Gilles)

Jean Marie emmène alors environ 150 tonnes par an de broyat et de fumier pour un peu moins de 3 hectares sous contrat avec la déchetterie du coin.

Répartition du broyat sur une future planche de patate douce

Grâce à cet apport, en 3 ans son taux de matière organique est passé de 2,8 à 5,6 % ! Pour un sol plutôt léger, sablon-limoneux (avec très peu d’argile), ce taux de matière organique correspond à un bonne productivité et à une bonne capacité de minéralisation. A savoir qu’1 point de MO gagné sur le sol c’est 70 tonnes de carbone stocké en plus (Ferme de Cagnolle) !

🐛 La deuxième clé est l’utilisation de la bâche, elle favorise une meilleure gestion de l’eau et économise jusqu’à 30 % du temps de désherbage. Il existe 2 types de bâches : la bâche d’ensilage et la toile hors sol, celle-ci laisse davantage passer l’air. On aurai tendance à croire que la bâche « étouffe » le sol mais au contraire, elle conserve une certaine humidité et une bonne obscurité, bénéfiques pour les micro-organismes. Pour Jean Marie, la bâche est une « alliée » et pour moi c’est une créatrice de lien !

On venait de réaliser un beau travail collectif pour tirer ces bâches sous lesquelles on a retrouvé des centaines de vers de terres !

Jean Marie a fait le choix d’être très peu mécanisé, une autre clé de la boite à outils MSV ! Petit tour d’horizon sur les principaux outils…connaissez vous : le semoir, la desherbinette, la U-binette et la roue émietteuse ?

J’ai utilisé la roue émietteuse après une récolte de mâche sous serre, l’outil sert a broyer et découper les herbes non cultivables, pour semer ensuite au semoir des graines de radis. Ce sont les radis qui ouvrent le bal des semis sous serre !

Et n’oublions pas, en hiver c’est aussi de belles récoltes…poireau, mâche, topinambour, radis rave, chicorée pain de sucre… Des récoltes en compagnie poilue ou sous des paillettes étincelantes… !

« plus vite, humain ! Je te rappelle qu’il faut vendre 5 kilos de mâche pour payer mes croquettes cette semaine ! »

J’ai découvert deux choux japonais au moment de la récolte : le Pak-choi et le Pe-tsai… que vous pouvez inclure dans un plat de riz japonais. 炊き込みご飯 Takikomi Gohan est un plat dans lequel du riz à grains courts est cuit avec des légumes et des champignons. Il est généralement assaisonné de bouillon japonais (dashi) et de sauce soja.

Après le travail, la récompense…

🌻Lorsque j’ai partagé à un ami que j’étais en stage en maraîchage sur sol vivant, sa réponse a été : « Mais c’est possible du maraîchage sur sol mort ? » Réponse blagueuse ? Spontané ? Naïve ? Absurde ? Une réponse qui résonne aujourd’hui pour moi et qui me rappelle profondément ce pourquoi je voyage dans les fermes, ce pourquoi j’ai choisi d’intégrer l’école d’agroécologie voyageuse…

Merci à Jean Marie et Mélanie pour leurs apprentissages, leur authencité et leur amour du Vivant !