Mieux Comprendre Le rôle Des Perturbations Dans Les Lignes Syntropiques 🌳🌱🌿

🔎 Expérimentation à la Ferme des Mawagits avec Pablo Pailhes

Me voici aux Mawagits, une ferme du rĂ©seau de l’École d’AgroĂ©cologie Voyageuse (EAV) oĂą l’on trouve un peu de tout ! De la gemmothĂ©rapie Ă  la production de plants, en passant par le maraĂ®chage et la pĂ©pinière, il y en a pour tous les goĂ»ts ! On peut venir pour y boire un cafĂ©, simplement acheter quelques lĂ©gumes, oĂą carrĂ©ment festoyer autour d’un banquet gaulois si l’on tombe Ă  la bonne saison ! Et bien sĂ»r, le dĂ©tour vaut le coup rien que pour admirer les lignes syntropiques de la ferme ! 

Pablo, ancien élève de l’EAV et membre fondateur du Hub Agriculture Syntropique France, effectues cette année un service civique à la ferme des Mawagits, avec pour mission de réaliser des expérimentations sur les parcelles syntropiques comme Mieux comprendre le rôle des perturbations dans les lignes syntropiques et créer du matériel pédagogique pour de la formation autour de l’arbre.

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Pablo Paihes dans les lignes syntropiques de la ferme des Magagits

L’expĂ©rimentation de Pablo porte principalement sur la nouvelle parcelle syntropique de la ferme : 2 500 m2 rĂ©partis en 9 lignes, plantĂ©es cette annĂ©e avec l’aide de certains Ă©lèves de l’EAV. Ces lignes Ă©tant toutes jeunes, le prĂ©lèvement de feuilles sur les essences arbustives et forestières s’avĂ©rait trop risquĂ© pour assurer une bonne croissance des plants. Ainsi, Pablo rĂ©alise son expĂ©rience sur le couvert vĂ©gĂ©tal des inter-rangs. 

Son objectif est d’obtenir des mesures concrètes qui puissent servir au plus grand nombre pour dĂ©velopper l’agriculture syntropique en milieu tempĂ©rĂ©, en s’appuyant sur des grandes parcelles syntropiques. 

âžť Ces indicateurs sont de plusieurs ordres

① Temporels : mesurer le temps de travail pour avoir des chiffres concrets sur le temps de gestion que cela demande :avant plantation/lors de la  plantation/en entretien des parcelles…)List item
② Economiques : pour prouver, à terme, la viabilité économique du système
③ Agronomiques : recensement de multiples données comme les maladies et le couple Brix-Ph*,  pour justifier la santé du système et caractériser les effets de la perturbation.

On utilise encore très peu la perturbation comme moteur du système dans l’agriculture d’aujourd’hui, alors que certaines Ă©tudes s’attachent dĂ©jĂ  Ă  prouver son efficacitĂ©. Sans parler des chercheurs de terrain qui font Ă©tat de fortes croissances des plantes après la perturbation de leurs lignes. 

🌿 Mais qu’appelle t’on perturbation ? Elle s’effectue sous le mode d’une taille, d’une tonte, oĂą d’une trogne, et simule un Ă©vĂ©nement naturel qui endommage la plante. De manière gĂ©nĂ©rale, ce qui est affirmĂ© par les diffĂ©rents formateurs que j’ai eu en agriculture syntropique est que la perturbation gĂ©nère un « boost Â» de croissance des plantes et permet d’accĂ©lĂ©rer la succession. Ceci par diffĂ©rents biais :en crĂ©ant des puits de lumière dans des zones qui Ă©taient Ă  l’ombre (donc plus de photosynthèse) ; en apportant de la biomasse directement sur le sol et dans le sol via la dĂ©composition de l’excĂ©dent de racines ; et enfin en gĂ©nĂ©rant une information de croissance via le système racinaire et mycorhizien qui diffuse des hormones de croissance dans son environnement proche suite  Ă  « l’attaque Â» subie.

C’est notamment ce dernier point qui fait l’objet des expĂ©rimentations de Pablo, qui cherche Ă  mettre en lumière ces mĂ©canismes. Il a conscience que la « validitĂ© scientifique Â» des rĂ©sultats est discutable, mais aussi humble que soit la dĂ©marche, elle se veut ĂŞtre une porte ouverte, une invitation, Ă  des Ă©tudes approfondies par des chercheurs dont c’est le mĂ©tier !

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Pablo et Grégoire, chercheurs de terrain, en plein réflexion devant une ligne syntropique

Mon arrivĂ©e Ă  la ferme offrant un peu de main d’Ĺ“uvre supplĂ©mentaire, nous avons dĂ©cidĂ© de mener une expĂ©rience sur les premières lignes syntropiques de la ferme, plantĂ©es il y a 4 ans. Ainsi, nous avons pu prĂ©lever de la sève sur les plantes prĂ©sentes Ă  l’intĂ©rieur des lignes et non pas sur l’inter-rang. 

Notre objectif Ă©tait d’obtenir des donnĂ©es pour comprendre les effets d’une taille -ou perturbation- sur les lignes syntropiques. Plus prĂ©cisĂ©ment, nous avons souhaitĂ© observer la rĂ©action des plantes non taillĂ©es (dans notre cas : mĂ»rier domestique et consoude) suite Ă  une taille sur les plantes Ă  proximitĂ©.   

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Un splendide mûrier en pleine floraison au mois de mai.

🔎 Pour cela, nous avons utilisĂ© deux indicateurs : le pH et le taux BRIXLa valeur Brix est une mesure de la quantitĂ© de substances solides dissoutes dans un liquide. Pour notre expĂ©rimentation, le Brix reprĂ©sente le pourcentage d’élĂ©ments solubles dans la sève (sucres, acides aminĂ©es…), qui constituerait en association avec le pH, un indicateur pour la santĂ© de la plante et sa rĂ©activitĂ© aux diffĂ©rents types de stress, par son activitĂ© photosynthĂ©tique en particulier.

➝ Notre protocole était le suivant  

Réaliser des mesures Brix et pH sur la sève des muriers et des consoudes, avant et après une perturbation sur le couvert végétal de l’inter-rang.
🌱 Pour la ligne 1 où sont les mûriers, nous avons réalisé une taille sur la majorité des espèces présentes (saules, érables champêtres, cornouillers sanguins, viornes, camérisiers), excepté le mûrier, qui est la plante à but de production principale.
🌱 Sur la ligne 2 qui lui fait face et où sont les consoudes, nous n’avons rien taillé.

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Photos ci-dessus : avant et après perturbation du couvert végétal et de la ligne syntropique 1

Chaque jour à une heure approximativement similaire (autour de 14h) nous avons réalisé trois prélèvements de sève pour chaque espèce testée. Le prélèvement était réalisé par pression sur des feuilles à l’aide d’un presse-ail. La mesure Brix se faisant à l’aide d’un refractomètre.

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Photos ci-dessus : perçage des feuilles Ă  l’aide d’une aiguille puis pression Ă  l’aide du presse-ail pour extraite de prĂ©cieuse gouttes de sève !

➝ Ce que nous avons constaté

✔ Le pH évolue très faiblement au cours du temps et il nous est complexe d’interpréter ces faibles variations.

✔ Le taux BRIX évolue de manière croissante au cours du temps après la perturbation, cela pour les deux espèces observées, pour culminer autour de 7 à 14 jours après la perturbation et redescendre progressivement de 14 à 28 jours après la perturbation. 

Si ces rĂ©sultats se confirment sur d’autres plantations, cela signifierait qu’on observe une augmentation de l’activitĂ© photosynthĂ©tique sur  les espèces proches de celles taillĂ©es. Mais l’expĂ©rience demande Ă  ĂŞtre rĂ©itĂ©rĂ©e dans de meilleures conditions au vue des limites constatĂ©es ci-dessous.

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La mesure du Taux de Brix se rĂ©alise Ă  l’aide d’un rĂ©fractomètre qui donne la concentration en sucres de la sève grâce Ă  la lumière solaire

➝ Les limites auxquelles nous avons été confrontées

① Tout d’abord nous ne sommes pas satisfaits de la méthode de relevé sur les espèces ligneuses : était-ce parce ce que la période était chaude et sèche ? En tous les cas, la sève était difficile à tirer, plus que pour les couverts végétaux des nouvelles parcelles. La fiabilité de notre protocole est largement remise en question par cette difficulté à obtenir de la sève, car bien souvent les résultats obtenus lors d’une même journée pour une même espèce étaient différents.

② Ensuite, nous avons commencé nos relevés la veille de la perturbation, ce qui ne nous donnait que peu de chiffres pour l’avant-perturbation. 

③ Enfin, le fait de prĂ©lever des feuilles sur les plantes testĂ©es chaque jour sur une mĂŞme ligne constitue une perturbation en soi, qui peut aussi expliquer l’augmentation du BRIX au cours du temps et dĂ©former la rĂ©alitĂ©. 

Nos rĂ©sultats sont donc trop alĂ©atoires pour pouvoir ĂŞtre interprĂ©tĂ©s avec sĂ©rieux, mais la dĂ©marche et les limites que nous avons trouvĂ©es apportent tout de mĂŞme une forme d’expĂ©rience intĂ©ressante pour la suite. 

➥ Perspectives futures

✔ Une piste intéressante serait de reprendre l’expérimentation sur des espèces à croissance rapide comme le maïs ou le tournesol, fortement utilisés comme placenta** des designs syntropiques. L’idéal serait de combiner des prélèvements BRIX/pH avec des mesures directes de croissance des plants, pour permettre une analyse plus fine des mécanismes sous-jacents.

âś” RĂ©aliser cette expĂ©rience avec et sans adjonction d’eau après la perturbation (pluviale ou arrosage) serait Ă©galement une piste intĂ©ressante Ă  creuser. 

✔ Enfin, nous serions curieux de trouver un protocole fiable pour l’extraction de sève des espèces ligneuses…

Affaire à suivre ! 

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« Comment ça ma mesure n’est pas fiable ? »

*Echelle  de Brix = L’Ă©chelle de Brix sert Ă  mesurer en degrĂ©s Brix la fraction de saccharose dans un liquide, c’est-Ă -dire le pourcentage de matière sèche soluble. Plus le °Brix est Ă©levĂ©, plus l’échantillon est sucrĂ©. Un degrĂ© Brix Ă©quivaut Ă  1 gramme de saccharose pour 100 grammes de solution

**  Phase placenta  : dĂ©veloppement des plantes pionnières Ă  croissance rapide qui crĂ©ent les conditions d’un milieu favorable Ă  l’installation d’autres espèces au cycle plus lent qui vont leur succĂ©der. Les Ă©cosystèmes Ă©voluent ainsi selon un processus naturel de succession Ă©cologique en trois phases : Placenta, Secondaire, Climax

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